mardi 20 septembre 2016

20- Ponts et Mosquées, monts et merveilles

Ce blog s'ouvre sur la dernière page. Le début est accessible par la colonne de droite.

Je vous quitte, cela va de soi, en traversant les ponts qui me mènent sur d'autres rives.
Pourtant, cette année, je ne promets pas qu'il y aura une suite à ces pérégrinations...
Quoique l'avenir soit à la fois incertitude et défi.
                       







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lundi 19 septembre 2016

19- En duo

Compte tenu de son titre, ce blog se termine ici. Sylvie m'a rejoint pour une visite plus culturelle du pays. Nous allons être agréablement surpris par la richesse architecturale et picturale des nombreuses petites églises orthodoxes et des quelques mosquées qui ont échappé au fanatisme iconoclaste de la dictature. 
La dizaine de mosquées épargnée se situe dans les villes, alors que les églises sont nichées dans la montagne au bout de pistes très hasardeuses, qui exigent patience et persévérance. Toutes ces églises orthodoxes sont décorées de fresques exceptionnelles : au XVI ème siècle, Onufri, le peintre d'icônes le plus réputé a pu donner son nom au rouge qu'il employait.






















Un saut, à pied, en Macédoine !

dimanche 18 septembre 2016

18- Sur le mur, ne sois pas une pierre de plus !


Arrivé à Tirana, je parcours mes derniers kilomètres à pied, avec le sac sur le dos, depuis la gare routière jusqu'à la chambre d'hôte que j'ai réservée sur internet. J'aurai parcouru plus de 300 kilomètres à pied, sans compter les piétinements en ville : en moyenne 21 km par jour. Le ciel a voulu que ce soit mon plus court voyage à pied.
La chambre d'hôte se situe au 30 Rruga Pjetër Budi. Surpris, je découvre que les numéros ne sont pas attribués dans l'ordre : le 11 succède au 32, et le 5 voisine avec le 72, je m'y perds, personne ne situe le 30 ! Je dois chercher un cybercafé, retrouver ma réservation en ligne pour obtenir un n° de téléphone, demander à quelqu'un d'appeler, puis attendre qu'on vienne me chercher. J'apprendrai qu'aucun touriste n'a jamais trouvé cette guest-house seul...


Tirana est célèbre pour avoir explosé de couleurs et de joie après la chute de la dictature. Les immeubles ont été bariolés frénétiquement dans des harmonies crues qui me séduisent le plus souvent.



J’arrive devant lui en sandales qu’il regarde dépité. Mes sandales ont fini par sécher, ne sont pas trop dépenaillées, et, si elles sont en cuir, ce dont je doute, ce n’est pas du cuir ciré. Il faut dire que, lui,  je l’avais cherché deux jours d’affilée, à diverses heures de la journée, dans Shkodër. Et voilà que je le trouve à Tirana, à la descente du car dans lequel j’ai juste eu le temps de sauter.
J’arrive devant lui en sandales, et je le console : j’ouvre mon sac, je sors mes godillots.
Mes godillots sont gris, et lui il est cireur de godillots. 
Mes godillots sont avachis, et lui soigne les godillots.
Il a un grand sourire et je lui donne sur le champ sans réfléchir un rendez-vous avec Yvon. Il s’extasie sur des godillots si mal embouchés, il va avoir fort à faire.
Il y passe une heure et je rôtis au soleil de Tirana. 
Il y passe une couche généreuse de cirage. 
Les godillots rôtissent au soleil pendant dix minutes.
Il y passe, une fois rôtis, une deuxième couche de cirage généreuse. Dommage, elle est acajou, ça change leur teint initial qui était chocolat, tant pis, c’est mieux que gris.
Il les frotte, il les frotte, n’utilise pas de brosse. C’est vrai qu’ils brillent, tout acajou qu’ils soient. J’ai photographié mes godillots avant, pendant, après.
Le cirage coûte très cher en Albanie, cette fois je me fais rouler dans la farine, c’est mieux qu’être enduit de cirage acajou, mais quand même il exagère, presque deux aller-retours Shkodra-Tirana pour un lifting et une teinture démodée ! 
Il est ravi et m’embrasse à pleine joue, me serre dans ses bras, et j’essaye de faire bonne figure. 
Les promiscuités, ce n’est pas ma tasse de thé.




Du haut de la tour de l'horloge,
la vue sur Tirana est une carte à ciel ouvert.

La place Skanderbeg et les ministères


Je domine le dôme de la mosquée Et'hem Bey et la statue équestre de Skanderbeg, qui est le héros national pour sa résistance à l'empire ottoman, et sa fédération des seigneurs albanais. Il ferait presque concurrence à Mère Térésa par son omniprésence.

Les travaux d'aménagement du centre-ville
et le musée historique.



Boulevard du roi Zog 1er, et rue du derviche Hatixhe

Enver Hoxha doit se retourner dans sa tombe quand il voit l'évolution du pays. Alors qu'il avait interdit tout sentiment religieux, allant jusqu'à proscrire certains prénoms comme Marie et Anne, les avenues portent maintenant des noms qu'il aurait exécrés :  Jeanne d'Arc, Jean-Paul II, derviche Hatixhe, etc. (Le Roi Zog a lui aussi son boulevard). Les nouvelles constructions religieuses, cathédrales et mosquées, se multiplient partout et s'offrent une ampleur imposante, presque ostentatoire, dans la capitale. Bien que, semble-t-il,  la fréquentation des cérémonies reste modeste, je déduis de ce regain et de cette renaissance religieux une soif spirituelle inextinguible de la nature humaine.

Avenue du Pape Jean-Paul II

Cathédrale orthodoxe

Future Grande Mosquée

Cathédrale catholique

La mosquée Et'hem Bey, somptueuse par ses fresques,
a bien sûr été fermée au culte sous la dictature, mais épargnée
pour ses qualités historiques et patrimoniales.



La corruption, la nostalgie des apparatchiks, les désirs de revanche sont des freins préjudiciables pour ce peuple qui met son espoir dans la démocratie, la liberté, l'Europe, et la découverte du monde. Avec émotion, je lis, sur un mur de la capitale, le slogan le plus imaginatif et le plus généreux qui soit :


samedi 17 septembre 2016

17- Les yeux fiévreux

A 5 heures, l’appel à la prière me réveille en douceur, mais aujourd’hui le muezzin lasse le ciel.
A 5h05, le plaqueminier qui me fait de l’ombre ruisselle et retarde l’aube.
A 10h, mouillé pour mouillé, je sors des eaux du lac.


Entre-temps une éclaircie m'a en effet incité à aller nager : 17 km aller-retour. L'avenue qui mène au lac accueille les maraîchers sur ses trottoirs.



Les citadins se déplacent très volontiers en deux-roues, le plus souvent à vélo, qui pullulent dans les rues en tous sens. Quant aux voitures, elles sont bichonnées avec amour. L'un des commerces les plus répandus est incontestablement le lavage de voiture, dont les publicités vantent l'efficacité grâce à des adjuvants miraculeux et italiens. "Lavazh" qui s'affiche partout, en ville et sur les routes, est, lui aussi, un mot du volapuk, qui se prononce tout simplement "lavage".




Suis-je étonné de découvrir, sur la rive du lac Skadar, la Station Hydrométrique et Pluviométrique ? Pour affirmer le bien-fondé de son existence, je vais être, une fois de plus, copieusement arrosé par le ciel à ses abords.


A la sortie de l'école coranique, quelques filles abandonnent, vite fait, leurs foulards rouges. Je m'étonnerai sur un autre trottoir en découvrant la tenue des élèves chrétiennes (ou laïques ?), qui portent le même chemisier blanc, le même sac, la même chevelure longue, la jupe du même imprimé écossais exactement (nettement plus courte), et se distinguent par l'absence de foulard.



Elles ne sont élèves, ni des écoles coraniques, ni des écoles chrétiennes, ni des écoles laïques, elles sont jeunes, elles sont assurées, elles sont nombreuses, elles se ressemblent, elles marchent avec assurance, elles ne regardent pas les hommes qui les regardent.
Bien sur les dignes dames moins juvéniles arborent de longues jupes et parfois même des tenues traditionnelles. Elles ont une grande dignité. Ce qui ne veut pas dire que le jean ajusté enlève leur dignité aux jeunes filles en fleur qui passent avec prestance sans que le doute les effleure, elles sont toutes des princesses en phase de couronnement.
A l'inverse, les douairières cachent en grande partie leur couronne de reine-mère, qui est une tresse entrevue sur l’ourlet de chaque oreille, sous le voile noir noué à l’horizontale sur le front, dont les pans verticaux tombent derrière les épaules, et c’est très élégant et très sobre.


Plus nonchalants, leurs maris jouent en plein air, dans les jardins publics, à leurs jeux de société préférés, et laissent s'écouler les heures en évoquant leur jeunesse sous la dictature :

Le jacquet ou backgammon

Les dominos, bien sûr
 
 Un jeu de dés avec un enjeu financier

 Les échecs

.
Quand aux jeunes-gens, leur coupe de cheveux est universelle ici, avec les tempes et la nuque tondues (pas rasées !), et une épaisseur respectable de cheveux sur le haut du crâne.
Je n'irai pas jusqu'à les imiter, pour moi c'est trop tard. Il faut dire qu'ils ont de "jolis" crânes, pas cabossés, assez ronds, et des fronts et des nuques qui s'y prêtent (oui, j'ai bien observé).

Valentin, mon nautonnier

Valentin est un bon exemple de la grande honnêteté de la plupart des albanais. Vous vous rappelez qu'il est venu me chercher en barque pour traverser le lac de Koman. Naturellement je lui verse un pourboire, sans doute un peu excessif à la mesure de mon soulagement. Valentin m'a rendu la monnaie sur ce pourboire, n'en gardant pas la moitié !

Klodian, mon serveur très attentif
au restaurant Qebaptore Peja "Te Fisi",
bulevardi Skenderbeg, Shkoder





Une coupe plus classique pour Leka II

Vous me voyez, avec ma barbe œcuménique, et mes godillots, faire bonne figure, les yeux fiévreux, dans la haute société ? 
Vous me voyez, les yeux fiévreux devant le buffet où je n'ose me précipiter. 
Vous me voyez, les yeux fiévreux, tout efflanqué dans le smoking prêté par l'ambassade. 
Voilà que je suis invité au mariage du prince héritier ! Le 8 octobre à Tirana ! 
Moi qui n'osais m'immiscer dans la vie privée des albanais. 
Moi qui parlais de sang quand c'est d'encens qu'il s'agissait.
Moi, qui croyais partager la solitude du pope Grégori, mon ermite du lac, devenu métropolite de toutes les Albanies. 
Ah ! Je m'enfuirai dans les montagnes ; J'y ai déniché des lacs de clarté lustrale méconnus que je traverserai à la nage faute de marcher sur les eaux.